Jeudi 15 novembre, matin : temps lumineux, pas trop frais, la journée s’annonce prometteuse.

Une fois n’est pas coutume… 8:30, je retrouve Émilien dans le bureau de Nadège, sont en train de localiser la parcelle d’intervention. Pas facile de se repérer, ce sera le long d’un champ, une futur zone de construction : le domaine du lac, un nouveau quartier de Cholet, vers le lac de Ribou.

Le camion est plein, je dois prendre ma voiture, doit être 9h, Michel Humbert m’accompagne, il va observer ce que se passe, enregistrer ce qui se raconte, comme l’autre fois sur le chantier du ruisseau avec l’équipe à Sylvain. On tourne vers une ancienne ferme, nous poursuivons dans un chemin, François, Omar et Yann sont descendus ouvrir une barrière, sur ma droite l’aboiement amical de deux chiens, ont l’air sympa, pourtant suis pas fan des chiens…, à gauche le glouglou inimitable d’un dindon, le vois pas, doit être derrière la haie.

On repart aussitôt pour s’arrêter un peu plus loin. Étonnement : le chemin s’engouffre entre deux clôtures de chantier, l’espace s’ouvre, large, de part et d’autre, ce site est en pleine colonisation, déjà prêt à accueillir des travaux de construction, des chantiers ont même commencé…

Ce matin sommes plus nombreux, Rachid et revenu, José est là aussi. Je ne rends pas compte de suite que Livaye manque, il est resté préparer le repas du midi avec Arnaud, une équipe de circonstance prépare un déjeuner collectif. Avec Émilien l’équipe part en reconnaissance, la haie longe un chemin de randonnée. J’entends les chiens aboyer, un compresseur ronronne pas loin : j’aperçois le chantier d’une maison. Je prends conscience du son puissant des véhicules qui empruntent l’A83. Changement d’avec hier : le retour à l’urbanité.

 

Nos guerriers sont prêts à en découdre, armés de leurs lances à découper les branches, Yann et José descendent jusqu’aux 3 grands chênes dont les branches pendent.

 

 

Voilà la mission : faire tomber les branches basses, elles vont gêner la mise en place d’un chantier du lotissement. La tache n’est pas aisée, trouver le rythme, les branches résistent, contrarient les allers et venues de la lame de la scie : les bras fatiguent vites. José commence à avoir mal au coup à force d’avoir la tête levée. Émilien repère, expose la stratégie du combat, la lutte est inégale, la branche finit par casser, descente rapide, bruissement de feuilles, choc du sol. Aussitôt tombé, aussitôt emporté… Omar et François font des allers et retours, ils déchargent leur butin dans la benne du camion. Rachid les attend, s’applique à ranger et entasser méticuleusement, s’agit pas de les perdre en route!

 

 

Retour au front, panne, une lame tient mal, faut bloquer le mouvement du tube dans le manche… 9:50, Omar cherche à enfiler un morceau de fil de fer pour bloquer la tête… Émilien finit par venir voir, moque avec humour le rafistolage à la Guillaume. Va falloir couper ce fil de métal, Omar plaisante : ” t’as de belles dents Yann…” L’arme prête, l’attaque reprend. Tiens, s’y mettent à plusieurs maintenant, l’envie d’en finir. Le sciage, c’est lent, faut persévérer, ça s’accélère sur la fin, pas rater la chute.

 

 

Derrière moi, je remarque la présence de Michel Humbert et Yves Deval, ils placotent, parlent de leur parcours professionnel, bientôt 10h15. Michel attire mon attention : dans la haie une boule de fines tiges entrelacées, très graphique. On dirait du gaillet gratteron, enfin ce qu’il en reste, les fruits s’accrochent à son vêtement, c’est signé ! Michel se saisit de jolies baies rose magenta, un arbuste d’origine horticole ? pas sûr de vraiment connaître. Émilien me dit que c’est du fusain d’Europe.

J’entends la tronçonneuse, me dirige vers le camion, José coupe des branches pour les réduire, plus facile à charger. Rachid range, tasse, finit par sauter pour écraser…
C’est l’heure de la pause, doit être vers 10:30, tout le monde revient au camion, après on ira au jardin. Le mot est devenu mythique, ‘Le Jardin’, lieu des origines de l’Éclaircie auquel se réfèrent les ‘anciens’… François distribue les tasses de café. Rachid finit par nous rejoindre. Coup de fil, je m’éloigne… A mon retour Michel est en train de causer de l’Afrique noire, de l’Algérie, d’un temps où réfractaire au service militaire il a fini par faire la coopération culturelle, enseignant à Ouagadougou… tranche de vie.

 

Surprise : le jardin de l’Éclaircie est tout près en fait. En sortant du hameau, nous prenons aussitôt à droite, j’aperçois un écriteau qui annonce la direction du jardin. Effectivement, nous aurions pu aller à pieds comme l’avait proposé Yves. Doit être près de 11h maintenant, l’équipe est déjà en train de décharger les branches, Yann remonte un tas de copeaux au croc. Je regarde autour de moi, c’est grand : des tas de bois, d’anciennes serres ; un peu plus loin, sur la gauche, une autre équipe charge un camion avec du bois de chauffage, je reconnais Max, Mike… Devant notre camion, les serres de la ville de Cholet : paraissent immenses.

 

 

 

Émilien m’explique l’histoire du lieu, l’implantation de l’Éclaircie, la location de terrains, la récupération par la ville d’une partie pour installer ses serres. Derrière, au bout de la pente, les anciennes serres, bâchées, ex lieu de production de l’association, au temps où elle cultivait ici des légumes… Maintenant le site sert de dépôt. Un jour le propriétaire vendra ce terrain. En attendant, du bois est stocké et vendu, le broyat, réutilisé sur des chantiers de plantation…

11h30 passé, fin de chantier, on s’arrête plus tôt, les gars ont terminé. Ça sent les vacances, ça papote au soleil. Omar mène la conversation, Yann renchérit : ça cause café, prix des cafés, Paris, ici, et les cigarettes… ça coûte cher, plus que les roulées. “La vie est devenue chère”, Omar raconte Paris, les bistrots dans les années 80, plus généreux, offrant facilement des cigarettes : “fini tout ça”. Émilien annonce le départ pour l’Éclaircie. Les gars me montrent un assemblage, une pièce de bois posée sur une autre, deux yeux immenses… hibou ? J’aime sa simplicité, c’est presque accidentel, au milieu des autres bûches.

 

En rejoignant la voiture, je vois mes deux complices bifurquer vers les anciennes serres, Michel et Yves se postent devant un tunnel, causent, entrent dedans ; je les suis, c’est encore en usage…

 

Michel me guide maintenant, je ne connais pas le chemin. En arrivant à l’association, je sens de l’attente, du monde à causer dehors. Je monte où nous mangeons habituellement : c’est l’effervescence, du monde à cuisiner. Ça mijote. L’affaire est sérieuse… Arnaud rappelle qu’il faut aller préparer la salle.
En bas, nous attendons, patiemment, le soleil nous berce, nous allons bientôt faire bombance !

 

   

Nous voici à la fin d’ “Itinérance”, cette première phase qui m’a permis de rencontrer toutes les équipes sur le terrain.

Maintenant il est temps de chercher un site où installer un projet collectif…

 

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[ Images et textes : courtesy Gilles Bruni, « Itinérance » résidence artistique à l’Éclaircie, Cholet ]

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