| Ce matin départ vers 9h pour le chantier du ruisseau avec Sylvain, Michel et Hratch. L’équipe travaille pour l’EPTB du bassin de la Sèvre basé à Clisson, sur le site de Riboux Verdon. Les autres membres de l’équipe, Alexandro et Hacene sont au ramassage des déchets, et Fatma, à la visite médicale. Cécile Liège et Michel Humbert nous accompagnent, Cécile fait des prises de son et Michel prend des notes pour son projet de roman graphique.
Nous quittons le chemin pour rejoindre le site. Je regarde l’abreuvoir sur ma droite, dubitatif : l’agriculteur a lâché une bouse de béton. Ça me fait penser à une expansion de César le sculpteur du ‘Nouveau Réalisme’. C’est la première fois que je vois un tel geste dans les prés : l’irruption d’un chantier dans le paysage, plutôt violent. En arrivant à un chêne magnifique, Sylvain pointe la blessure ancienne de l’arbre : “tu vois là, des frelons européens, un nid. Ils ne sont pas encore bien actifs.” Nous les craignons. Après une brève observation nous reprenons notre chemin.
Sylvain se penche sur des champignons, en cueille un et me le présente : un champignon des chaumes, que certains appellent aussi nez de chat, il a une petite pointe sur le chapeau… Michel et Hratch en conviennent, on trouve plein de champignons en ce moment, le temps est propice. Les langues se délient : mousserons, rosés, et bientôt coulemelles… On sent un certain appétit pour la cueillette.
Avec entrain l’équipe se remet au débroussaillage de la veille. Le chêne qui nous couvre est impressionnant, autour j’en remarque d’autres, ils paraissent assez vieux. Ces grands chênes ponctuent le paysage, ont perdu des feuilles et des branches nues pointent vers le ciel ; la sécheresse n’a rien dû arranger.
Les gars ont ravivé le feu. Le tas de ronces de la veille fume de nouveau dans un ciel de plus en plus bleu. Hratch passe le taille-haie dans la haie de ronces, Michel transporte les broussailles vers le feu. Au coup d’après, à la tronçonneuse qui débite une veille branche du chêne avant de passer au saule sur le bord de la mare… Michel arrache les billots du sol pour les porter au feu, il m’impressionne, me fait penser à ces écossais qui soulèvent des troncs d’arbres lors d’événements sportifs traditionnels…
La mare commence à être bien dégagée, Sylvain m’explique qu’ils la débroussaillent pour la remettre en état. A la saison humide l’eau s’écoule vers le ruisseau plus bas, la Haie de Rezé qui est un affluent du Trézon. C’est tout le bassin d’alimentation de Riboux et du Verdon qui est entretenu. Les zones humides sont essentielles à la qualité des eaux qui vont servir à alimenter Cholet en eau potable. La mare sera close à terme pour que les bêtes ne l’approchent plus.
Pause café. Doit être vers 10h30.
Michel Humbert est parti dans une haie, il a repéré des fruits rouges, chantonne ‘pomme de reinette et pomme d’api’… vient vers nous, fait goûter les baies, nous dit que ça lui rappelle son enfance quand il grappillait : la ritournelle lui revient avec les fruits. Détente, la bonne humeur règne.
11h, nous partons voir le chantier de la veille avec Michel et Hratch, descendre de l’autre côté de la prairie naturelle, causer des herbes mêlées de bouses de vaches, traverser le petit fossé qu’empruntent les bêtes, on voit vient que l’eau doit couler l’hiver, des joncs habitent là… Suivre le sentier des bêtes puis bifurquer, prendre à gauche la prairie artificielle, les chaussures s’empâtent dans le fumier qui a été répandu. Au loin s’active un tracteur près d’un arbre fraîchement taillé en têtard. Les mâchoires de l’engin se saisissent des branches qui jonchent le sol. Nous nous détournons de la scène pour rejoindre l’étang. Je le vois, enfin, je le devine par la dépression : derrière une haie la fosse apparaît, le niveau d’eau est très bas. Michel m’explique en quoi consistait le chantier : ouvrir sur 2-3 m des passages pour accéder à l’eau, l’ouverture est répété régulièrement. Les tas de branches marquent les trouées. Des études topographiques vont décider des possibilités de dérivation du cours d’eau pour améliorer l’alimentation du Trézon.
Au retour Hratch fait l’indien, il scrute… il me dit chercher des noyers ou des pommiers dans le paysage, il est friand de noix. C’est un cueilleur, il sait tirer parti de son milieu.
Nous trouvons Sylvain, Cécile et Michel Humbert avec deux agriculteurs, nous devinons à la vue du tracteur que nous les avons déjà vu au loin saisir les branches avec l’engin. Un père et son fils. Ils exploitent la prairie. Avant de repartir le fils s’en va près de la haie pour saisir des broussailles avec la machine, juste derrière la mare, avant de disparaître…
Nous, nous restons sur le terrain, le feu a pris grande ampleur, la fumée monte, tournoie, c’est saisissant dans ce ciel bleu à peine maculé de nuages : un autre nuage s’est formé, se contorsionne, enveloppant un arbre avant de se mêler au ciel. La scène devient peinture…
Temps de partir, 11:30 : rentrer à l’Eclaircie pour la pause de midi…
———————————————————- [ Images et textes : courtesy Gilles Bruni, « Itinérance » résidence artistique à l’Éclaircie, Cholet ] |
