Arrivée vers midi, les équipes arrivent peu à peu pour déjeuner, on s’entend avec Jean-Charles pour reprendre après 13h30, lui partira avec son équipe et moi avec ma voiture. Aurélien vient aussi, avec Adam, ils vont faire du taille-haie sur le chemin qui part du parking et longe la haie jusqu’au site.
Aujourd’hui c’est le jour des ‘cousins’, comme se nomment Willy, Mike, Max, Salahedine et Jean-Patrick (il vient de commencer), du parking nous longeons le bras du lac, impressionnant comme l’eau est montée durant le week-end, presque à sa jauge d’hiver… Je ne vois plus le petit ruisseau sur ma droite. Tiens, une guitoune ? les pêcheurs sont de retour ? Une camionnette arrive : Émilien. Tout de suite des gestes de connivence. Ils viennent embarquer les pièges à gondins et vont les poser dans cette portion du lac. Impression que l’Éclaircie s’est donné rendez-vous aujourd’hui ! La Margirondière aurait-elle un pouvoir d’attraction dont je n’avais pas conscience ? Papotage avec le pêcheur, il est tout seul, son copain était malade. Il vient passer un moment, oh, pas vraiment pour pêcher, juste pour passer le temps, il fait assez bon aujourd’hui… Arrêt à la ligne d’arbres qui plonge dans l’eau, le dernier, mort, est bien immergé… On cause de ce vestige de haie et de la limite de montée des eaux marquées par le roseau et le jonc. On aperçoit maintenant les gars de l’équipe à Émilien, ils font des allers et retours pour transporter les cages de piégeage au bord de l’eau, la barque est là. Sommes attirés par l’animation, allons voir, tous à observer l’entassement du matériel, Émilien va bientôt partir en poser ; demain matin je l’accompagnerai pour relever les pièges… Paraît qu’il va faire froid, se couvrir… Bon, ne pas se laisser trop distraire, aller sur le site, descendre à droite par le lac mais on ne peut plus trop s’avancer vers l’eau, les saules sont maintenant bien immergés, seules les têtes dépassent… Je présente le milieu : dire combien l’eau a vite monté ses derniers temps ; Jean-Charles montrent les racines sur des branches basses. Retourner sur l’espace en herbe, Jean-Charles parle du fauchage qu’ils ont fait : “ici elle est exportée pour ne pas enrichir le sol, c’est la règle énoncée par Julie de l’ADC”. Normalement c’est un agriculteur qui fauche et récolte… “L’an passé ça ne s’est pas fait comme prévu, alors a fallu faire à la main, passer de la broyeuse, pas été facile”, Willy confirme. J’explique ce que Sylvain m’a appris sur la plantation d’arbres sur le site, Jean-Charles montre à Najat, Salahedine et Max les différences de bourgeons entre le frêne et le chêne.
Au bout du site, une halte pour observer le terrain depuis la pointe. Avec Jean-Charles on perd le Nord, vérifications, préciser les axes, regarder le soleil, en déduire que la berge du lac est au Nord-Est : “t’en es sûr ?”, “heu, oui”. Devant notre manque d’assurance les gars se marrent à nous voir déboussolés, hum, visiblement on a joué un sketch… Nous remontons le long de la haie en direction de l’entrée, à droite nous apercevons au loin Aurélien et Adam, ils avancent bien. Bifurquer à gauche pour zigzaguer entre les groupes d’arbres, les ronciers. Halte près du bosquet. Là, on se pose et je provoque l’échange, le soleil pointe, de plus en plus lumineux, notre groupe est à l’aise et le temps s’écoule tranquillement. Quel plaisir lorsque le ciel est calme : un air de vacances ! Sommes en arc de cercle : faire parler l’équipe… causer de paysage, des milieux qu’ils connaissent de leur pays… On cherche à se projeter sur le site. Willy devient bavard, il part dans des explications : les cascades à la Réunion avec les accidents lorsque l’eau arrive brutalement des hauteurs, puis des nerfs de bœufs et leur fabrication. On cherche à comprendre, Jean-Charles cherche sur internet, on découvre… Je leur parle de la vision de certains de leurs collègues, de la façon dont je regarde les choses, ce que je pourrais faire pour ouvrir la vue sur le lac par exemple ; oui, ça, ça cause à certains, Max imagine… Pour Willy, faire ‘cabane’, c’est bricoler dehors avec la nature… une façon d’habiter l’espace. Une joggeuse passe, derrière Mike, un moment de distraction qui nous égaie. On s’en retourne sans hâte, je montre à Willy la tige armée d’un églantier pour faire échos à son nerf de bœuf, il imagine combien ça doit blesser, les épines sont redoutables, avec sa verve coutumière il dit ce que ça pourrait faire si on la coupait pour en faire un fouet. A ce moment précis, il me fait penser à l’acteur d’Orange Mécanique avec ses visons sadiques, mais en plus drôle (heureusement). Il va bientôt être 16h, nous retournons voir les gars avec leurs cages… Émilien n’est pas rentré, ils attendent. Sur le chemin, je vais saluer le pêcheur, le copain est là, il va mieux… Le soleil est béni, ils se prélassent ; nous, on poursuit, le groupe est déjà rendu au camion à faire causette : “alors on prend ce café ou non ?”, “t’as vu l’heure? Vaut mieux rentrer.”
On prendra un moment à l’Éclaircie pour regarder la vue aérienne sur Google…C’est prendre de la distance, se détacher de l’objet pour en parler, une autre façon de tisser des liens avec le site. J’expose la manière dont j’aimerais bien qu’on retourne, pour ceux qui le souhaite, en prenant du temps pour gamberger, pique-niquer, et pourquoi pas se faire des grillades ? Cette sortie était riche, entre le temps clément et le monde rencontré… beaucoup d’animation. Ainsi se termine la dernière visite de groupe du site ; demain, ce sera le jour des gondins!
———————————————————-
[ Images et textes : courtesy Gilles Bruni, « Itinérance » résidence artistique à l’Éclaircie, Cholet ] |
