Jeudi 17 janvier 2019, beau temps, très lumineux, quelques nuages.

Arrivé vers 11h50, vu ceux qui étaient déjà là, certains avaient fait les papiers, d’autres le ménage, c’est la règle, ça tourne de semaines en semaines. Sylvain préparait les jerricans pour faire des réserves de carburant pour les machines de terrain.

12h15, tout le monde arrive progressivement, on se retrouve avec Romain, Guillaume et Émilien : déjeuner entre nous, les salariés ne travaillent pas cet après-midi. Nous irons visiter les sites que j’ai retenus lors de la sortie autour du Verdon avec Nadège. Un grand jour !

Patrick arrive, doit être vers les 13h30, Michel et Yves nous rejoignent, la pression monte, enfin, juste ce qu’il faut pour nous faire partir avec entrain : un air de vacances. 13h50, l’équipée démarre, suis dans le ‘Defender’, une autre voiture suit : aller vers l’Oumois… Guillaume qui conduit aime à plaisanter.

14h10, premier arrêt : la Margirondière. S’engager sur le chemin à pieds, croiser un marcheur, va retrouver ses copains pêcheurs, je placote, comprends qu’il a son siège en bandoulière, va passer un moment avec eux, tranquille. Les copains sont assis près d’un fourré, abrités du léger vent, plus loin à gauche, des cannes plantées au bord de l’eau, une guitoune verte.

Guillaume qui a passé la barrière récupère une partie de l’équipe, Sylvain grimpe sur le toit du véhicule, sa sent la brousse, le safari… Ils s’éloignent rapidement et disparaissent dans un virage.

Je ne reconnais pas bien les lieux, hésite, le confond avec un autre… et finalement retrouve l’étendue d’herbacées qui donne sur le rideau de saules au bord du lac. Il est 14h30, l’eau a commencé à monter, certains arbres sont déjà bien immergés. Nous observons les lieux, avec Michel nous approchons ces arbres poilus de racines qui leur ont poussé sur le tronc : l’immersion prolongée durant la saison hivernale. Je commence à présenter le site et nous remontons sur la ligne de démarcation du niveau haut du lac : un trait de joncs bien net. Après, une bande d’herbe bien drue et un bosquet : des arbres, souvent jeunes, des baliveaux. Sylvain fait remarquer qu’ils ont été plantés et que nous voyons là leurs rejetons ; Romain a refait des clôtures sur ce site ; Émilien vient ici en hiver pour le piégeage des ragondins : “à la saison froide, quand tu vas au milieu du lac, tu ne vois plus les berges tellement il y a du brouillard.”

Nous nous posons des questions sur l’origine du nom du lieu-dit. Peut-être une ferme qui s’est retrouvée engloutie ? Personne ne sait vraiment… Partir explorer, longer le bosquet, le contourner, voir le chemin venant du parking public, et suivre l’alignement d’arbres qui signale une ancienne limite, à gauche le bosquet… Avec Sylvain nous évoquons le site avant le lac, il convient qu’ici ce devait être des pâtures. En compagnie de Guillaume et Yves, nous tombons en arrêt devant la fenêtre que dessine la végétation, ouvrant la vue sur le lac, vers la berge d’en face : l’œil glisse sur l’eau, remonte la colline dominée par des arbres adultes : un tableau. La scène est traversée par la glisse d’un cormoran, des goélands et des canards… Le groupe nous appelle, nous avons tardé. Repartir.

15h35, petit arrêt, l’arête d’une île en voie de submersion est couverte de volatiles. Ils s’envolent aussitôt l’approche… Tant pis. Michel m’accompagne, lui montre les nids que j’avais vu avec Nadège dans des saules au bord de l’eau. Certains sont en cours d’immersion. Nous observons, Michel fait lui aussi des photos. Repartir vers l’Oumois. En prenant le chemin, on se rend compte que le véhicule touche la barrière, Émilien sort la pousser. Sur le chemin des réflexions fusent, ils se chambrent, je sens bien que le site leur est familier, ils ont tous travaillé ici. Des souvenirs : le siège taillé par l’un, le ramassage pénible de la Jussie qui envahit régulièrement le plan d’eau. Sylvain fait une saillie : “Jussie j’y reste !”, paraît qu’elle est des salariés qui viennent faire le nettoyage, ça sonne juste.

A la descente des véhicules nous faisons le tour du site, voir le chapelet de plans d’eau de la zone humide, parler du lieu que nous trouvons tous très aménagé. J’avais déjà remarqué qu’ici c’était le royaume des ‘gondins’, avec des coulées de leurs passages assorties de nombreuses crottes, Romain dit que dans le marais poitevins on les appellent les ‘lièvres des marais’, j’aime l’image, je me prends à les imaginer sautillant et gambadant au bord de l’eau… Heu, non, c’est plutôt pour contourner la mauvaise réputation de l’animal et vendre des pâtés, plus pragmatique…

A la pointe du terrain qui sépare les eaux de la Moine des plans d’eau, Guillaume se rappelle un chantier aux pieds du viaduc de Maulévrier qui est planté en face de nous : “il y avait des espèces d’énormes têtards, des sans-pattes, qui sautaient à la verticale quand on retirait les masses de Jussie gorgées d’eau putride, c’était pas rassurant, on se demandait ce que c’était.” Aujourd’hui il penche pour des crapauds invasifs, des Xénopes, des batraciens d’Afrique du sud qui colonisent les cours d’eau, viendraient des Deux Sèvres, d’un élevage utilisé dans les années 80 pour des laboratoires.

16h10, arrêt pour faire le point avant de repartir, nous penchons finalement pour le site de la Margirondière qui nous paraît avoir les qualités requises pour venir y travailler avec des salariés : variété des milieux, l’espace, l’ouverture sur le lac, plus facile d’accès et en même temps sans doute plus tranquille, l’occasion de l’ouvrir au public… A voté !

Sur le retour, passons prudemment la barrière, Sylvain le broussard s’est extirpé du véhicule et d’une main ferme repousse la barrière ; Émilien s’est chargé de l’autre côté pour s’assurer que ça passe… Prendre la route du retour, rapide malgré l’horaire ; ça circule en arrivant à Cholet. Michel est satisfait, a engrangé sa moisson d’enregistrements et de photos pour son livre, et nous, nous prenons un temps pour faire le point : un planning de mes allées et venues, du déroulé possible pour mettre en route le projet.

J’entre maintenant dans la phase où je vais rencontrer des volontaires, imaginer une voie d’intervention sur le site de la Margirondière, mais avant, obtenir l’aval de l’ADC…

 

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[ Images et textes : courtesy Gilles Bruni, « Itinérance » résidence artistique à l’Éclaircie, Cholet ]

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