Mardi 4 décembre, temps couvert le matin, des éclaircies mais retour des nuages dans l’après-midi, humide.

Arrivée vers 8h20 : salutations aux salariés. Vers 9h, partons avec Nadège au lac de Verdon, rendez-vous avec des membres de l’A.D.C… Elle connait bien le site et les donneurs d’ordre, elle gère les chantiers et les budgets à l’Éclaircie.

Aujourd’hui, nouvelle séquence de la résidence : chercher un site pour entreprendre un projet avec un groupe de volontaires. Julie, Sylvain et Christine nous attendaient patiemment… Julie s’occupe de la protection des espaces naturels, plutôt versant bureau, se qualifie volontiers de polycompétente ; Sylvain, c’est le barrage, l’eau côté quantitatif : ouvrir, fermer les vannes, soutenir l’étiage dans la Moine, assurer l’eau pour la station de pompage. C’est avec lui que compose Jean-Charles pour l’entretien au pied du barrage, et Émilien pour les compétitions de Canoë et Kayak… Christine, elle, se définit comme les yeux et les oreilles de Julie et Sylvain, elle va sur le terrain et fait remonter les infos. Voilà pour les acteurs de la rencontre. J’oubliais l’autre acteur, le plus imposant : le lac, immense…

On s’est présenté, on s’est expliqué, j’ai dit ce que je cherchais, puis on s’est quitté…Tiens, ça me rappelle une chanson…

Je sais maintenant que je peux espérer trouver là un site et imaginer la suite de notre affaire. Reste à faire le tour avec Nadège, elle a des endroits à me montrer, et puis voir des particularités, ces ‘choses’ qu’elle aime bien, au détours des anses et des chemins…

 

 

Près du barrage, j’ai compris qu’il y a une ferme engloutie, la ferme de Verdon. Quelque chose est là, dessous que je ne vois pas… je songe au décalage entre ce que je vois et ce que je sais, à ce grand paysage dessiné par le lac, à la Moine qui s’est répandue… Tout ça me renvoie à son histoire, à sa mise en eau en 1971, aux besoins de la ville, à son industrie, à sa population croissante. Aujourd’hui, c’est calme, juste des oiseaux, plutôt nombreux. Sylvain a expliqué l’importance du site pour les migrateurs, nombre d’espèces y trouvent là le gîte et le couvert. Des zones sont dégagées près des berges pour permettre aux canards de venir brouter. J’aperçois aussi des lignes dessiner des courbes de niveaux : les traces des changements de hauteur d’eau. Elles ont laissé leur empreinte, sur le sol, avec des bandes de végétation parfois bien marquées.

10h30 passé, Nadège m’emmène à la zone de la Tortière, entre Verdon et Ribou, près du barrage. Le site a bien changé depuis la compétition de Kayaks à laquelle j’ai assisté en novembre. Jean-Charles est revenu travailler avec son équipe pour refaire une berge, du tunage, pour maintenir la charge. La Moine est presque à sec, paraît qu’il y aurait des travaux à Ribou…

11h05, La Pluchère, on passe une ferme, le chemin est trempé, Nadège me conduit à L’observatoire, je me rends compte qu’on roule sur une digue. “Une année on a vu un nid de ragondin! pas un terrier. La mère sur le nid avec les petits, ils avaient mangé l’écorce de la cépée de saule dans laquelle ils étaient installés.” Je me dis que Nadège me raconte des histoires, ça me rappelle les miennes à Grand-Lieu… A droite un étang à sec, nommé “la frayère”, me rappelle quelque chose du traict du Croisic, l’étendue de vase sans doute, avec les bouts de tuyaux et les piquets… Nadège me dit qu’on peut passer la clôture et s’avancer sur la digue, elle mène à une vanne : une échelle, des panneaux défaits… le passage fait le lien entre l’étang et le lac.

 

Reprendre le chemin, remonter la anse, jusqu’au lac… Sur la droite, une arrivée d’eau, la berge est en pente douce, la ligne des arbres est en retrait, normal, le niveau de l’eau est très bas. Certains arbres, des saules, semblent porter chevelure, des racines ont poussé sur les branches, la longue station dans l’eau a stimulé leur émergence, assez étrange.

 

Nadège enfile maintenant ses bottes, c’est un signe… Nous prenons un sentier sur notre gauche : rejoindre L’observatoire. La végétation est plus sauvage : “Jean-Charles laisse pousser ici, on observe, ça favorise la faune.”

 

Longer la berge, le sol est détrempé par la pluie des jours précédents. Nous observons tout en avançant, nommons ce que nous voyons : tache de roseaux, arbuste inconnu… Nadège cueille une tige, elle ramènera à Émilien, le spécialiste de la flore à l’Éclaircie, il saura. Plus loin une espèce de mousse sur des brins d’herbe, une sorte de champignon sans doute, nous poursuivons l’enquête : restes de poisson, non : champignon abimé, balle de tennis, étonnant, pas de terrain dans le coin… Et nous voilà à L’observatoire. Un homme passe à ce moment sur le sentier avec son chien, un deuxième chien arrive bientôt en courant… Je dis au promeneur : “y’en a d’autres comme ça à arriver ?” On placote un peu, causant de ce qu’on fait par là. Nadège finit par dire : “Nous, on est débordé… Y’a trop de choses à voir.” En se quittant elle conclut : “ben, on va continuer à être débordés”, je pouffe. La complicité s’est installée, on plaisante, imaginant remplacer Nadège par des ‘Martine à…’ dans le blog.

  

 

 

  

Sur le chemin retour, elle s’arrête près d’un panneau sur les oiseaux qui viennent sur le lac, son regard est attiré par quelque chose au pied : “tiens une marguerite!” Pourtant plus trop la saison des marguerites, on en finit plus d’être surpris.

 

11h45, retour : par le Puy-Saint-Bonnet, Nadège veut me montrer la lande du Chêne-Rond, une hauteur dans la région, atypique. Un peu la Bretagne ici, tout y est : le granite qui affleure, les ajoncs, de l’eau en surface, un ciel lourd et gris, avec en prime un édifice religieux. Les mousses et les lichens sont à la fête. Une éclaircie nous ouvre le ciel en arrivant à la Chapelle Notre-Dame du Chêne-Rond, a été construite en 1862. Nadège jette un œil, et nous nous dirigeons vers la voiture. A droite nous nous laissons happer un instant par le paysage, les lointains se fondent dans le ciel. Silence. Le clocher du Puy-Saint-Bonnet, dans un geste définitif, semble nous indiquer la voie du salut. Le soleil nous suffira. Pause, va être midi et demi, retour au bercail.

 

 

13h30, repartir : vers la Margirondière. Nadège me montre un chemin ouvert au public, un voiture est garée au bout, sans doute un pêcheur. Elle explique comment se rendre au lac par là. Puis prendre un chemin parallèle, l’ancien passage qui a été fermé, les pêcheurs ont fini par dégrader le site. L’entrée est barrée, Nadège utilise ses clefs une à une, j’observe la scène avec attention, aucune ne semble correspondre, elle finit par soulever la chaîne et la fait passer par-dessus le poteau. En bon spectateur d’une scène digne d’un film muet, je m’amuse de la situation.

 

Sur le chemin Nadège arrête la voiture, 14h20 : a vu des champignons, elle a visiblement un faible pour les chapeaux… “Raté, c’est pas des rosés”. Couleur pâlotte, jaunissant au toucher… tant pis.

 

Arrivons près du lac, l’endroit est magnifique, au fil de nos déplacements je nous sens transportés par la magie des lieux, ce milieu a fini par nous submerger : à gauche, les saules chevelus, saisissants de présence, notre monde a basculé, ne sais plus trop où je suis…

Impression d’être arrivé au pays des hommes bloutes! Nadège part au contact, le poil est rêche…

Au-dessus, l’endroit serait envisageable, plus en friche, c’est du sous-bois… Je prends note. Les saules chevelus sont en avant-poste, en partie submergés par le lac quand en hiver il se recharge.

14h35, Bref arrêt au lieudit Les Vannes. On explore les environs. Nadège m’interpelle : “tu vois le nid, celui des ragondins était comme ça, et l’écorce des tiges de la cépée étaient rongées autour.”

 

Un peu plus loin, au niveau de La Roche Bonneau, encore une voiture, encore un pêcheur, sont peu nombreux mais ils émaillent la rive tel les hérons, figés dans l’attente du poisson. En s’approchant du lac, on remarque un arbre en sous-bois, un saule éclaté, ou plutôt étalé, étonnant : les fûts dessinent les bras d’un nid géant, moussu, envie de s’y lover, l’humidité nous freine.

En nous dirigeant vers l’Oumois, petit crochet par Touvois : regarder la zone humide, puis en s’en retournant, aller voir l’eau se déverser dans le lac : vertige de l’eau qui s’engouffre.

 

Maintenant, l’Oumois, Nadège prend le chemin à gauche, toujours remonter le cours de la Moine. Des pêcheurs sont disposés autour, les véhicules signalent leur présence. Arrivée sur un petit espace parking. Le rituel des bottes, indispensable, et se diriger vers le pont qui sépare deux plans d’eau. Nadège farfouille une embouchure du petit pont, encombrée de feuilles et de branches. Elle veut voir l’eau s’écouler. Plus loin, des marques au sol, il est régulièrement creusé : un sanglier ? De nombreux passages de ragondins : des crottes  énormes, on se prend à imagine la taille des bêtes. A droite, le siège de Christine que j’ai vu au matin, taillé dans une souche par l’équipe à Jean-Charles. Des champignons y ont élu domicile, ce bois est une aubaine pour la colonie. Au loin, le viaduc de Maulévrier… Nous arrivons à la pointe, à la séparation de la Moine et d’un étang. Julie nous avait expliqué que l’enfilade des étangs freinait le passage de l’eau, trop encombrés de limons. Sur le côté, on aperçoit des vaches, enfin, dans le champ qui est de l’autre côté de l’étang.

 

 

15h40, S’en retourner : de l’autre côté de l’étang, d’autes vaches, celles-ci se prennent pour des chèvres, semblent vouloir grimper sur les roches collées à la rive.

Et puis… Nadège reprend son activité de nettoyage à l’embouchure du petit pont. Satisfaction : l’eau s’écoule mieux, des débris apparaissent de l’autre côté du pont, tourbillonnants, et s’éloignent rapidement…

Passer au viaduc avant de rentrer : à l’entrée du chemin – une ancienne voie de chemin de fer – la charogne d’un chat, odeur infecte passagère, tempérée par la température. Nadège m’avait promis une vue : d’un côté, le parc oriental de Maulévrier, de l’autre une enfilade d’étangs, on devine au loin l’Oumois. Les rails qui étaient enfouis sous une fine couche de terre sont maintenant à nus sur le viaduc.

 

Relâche : d’abord faire un portait de Nadège dans une niche du parapet du pont, puis scruter le sol : je m’enchante des lichens qui recouvrent les pierres rougeâtre du ballaste. En cueillir une : “tiens, ce sera pour la collection !”

 

16h20 : nous venons de terminer la rive Sud, il est trop tard pour s’aventurer au Nord, mardi prochain nous reprendrons l’exploration.

Sur le retour, Nadège repasse vite fait par la route du matin – elle a de la suite dans les idées Nadège -, à l’endroit où elle avait cru apercevoir des lépiotes : raté, c’en était pas. Déception.

Fin de la sortie.

 

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[ Images et textes : courtesy Gilles Bruni, « Itinérance » résidence artistique à l’Éclaircie, Cholet ]

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