Mercredi 17 octobre, matin : un temps qui commence à se couvrir, fait plus frais, le soleil donne encore.

9:15, l’équipe est au complet, déjà dans l’assec de l’étang près du château de la Frogerie : débroussaillage et feu… Michel et Fatma alimente le foyer ; Alexandro ouvre un passage pour pouvoir faire des relevés ‘topo’. Le reste de l’équipe est parti dégager les berges du ruisseau à l’entrée de l’étang, faut faire plus propre.


La tronçonneuse rugit. Des prunelliers tombent avec des ronces : un liseron avait escaladé, une brione aux fruits bien rouges s’y est aventurée.

Sur la droite, auparavant caché entre deux frênes, deux abris avec flotteurs : Sylvain pense immédiatement pour des canards.
On voit la présence de la chasse en différents endroits : enclos grillagé, points d’alimentation avec des grains de blé germés.


Maintenant le feu crépite, s’énerve, il neige. Des flocons de cendre flottent dans l’air et finissent par se poser sur la végétation : feuilles consumées et racornies.

   

10:05, pendant la pause café Hratch, ‘qui-n’a-pas-les yeux-dans-les-poches’, aperçoit un oiseau mort sur le grillage de l’enclos, cormoran ou héron ? A la vue du bec on décide héron. Sûr je ramènerai le crâne pour la collection! Sylvain imagine le scénario de sa mort : l’oiseau pris dans le grillage ou bien ‘débarbouillé’ par un chasseur… Michel, lui, ramène des fruits rouges et pense à ceux du poil à gratter. Avec l’équipe on parle du site, Alexandro et Hacene n’aime pas spécialement la campagne, les arbres, les plantes, c’est là, c’est tout.

10h40, je poursuis les échanges avec Fatma et Hacene. Nous descendons vers le centre de l’étang. Nos pieds s’enfoncent un peu dans le sol humide. Tout partout, des jussies, de la renouée et d’autres espèces de milieu humide. Nous observons puis j’engage la conversation sur l’eau, le ruisseau, l’étang, et après… vers Riboux. Nous parlons des usages de l’eau, elle est tellement précieuse. Fatma apprécie sa disponibilité en France.

Sylvain et Michel m’appellent et me montrent une bizarrerie : une branche de chêne incluse dans la fourche d’un frêne… J’ai déjà vu des hybridations, le chêne ne pourrait-il pas finir par faire partie du frêne ? Le monde des arbres nous est si étranger… qu’il nous étonne.

La matinée est vite passée, Sylvain sonne le rappel, nous nous dirigeons vers le camion.
De leur côté Hratch et Fatma traversent l’étang. Elle s’embourbe. Je vois la scène se dérouler comme dans un film : Hrtach vient la tirer, elle s’extirpe lentement et s’éloignent vers l’autre berge, grimpent et disparaissent dans le champ de maïs… Sylvain, lui, propose au reste de l’équipe d’aller cueillir des champignons dans le champ en aval du ruisseau. Seul Alexandro se joint à nous : passer les barbelés, deux clôtures et une prairie bombée s’étend. Nous paraissons perdus dans cet espace ouvert. Sylvain repère les premiers mousserons, il vante les mérites d’un champignon qui ne réduit pas à la cuisson : cueillette. Ils dessinent parfois des ronds de sorcières. Plus loin, des rosés, mais aussi les nez de chats. On fouille des yeux la prairie. Des bouses fraîches et des herbes coupées rases attestent le passage récent de bovins. Hratch apparaît sur notre gauche, il avance, vite, et nous hèle : “plein de champignons!”. Il approche avec sa récolte, les rosés sont grands, un peu avancés, tant pis, il aime comme ça. Il repart vers la haie à droite, furète, avant de nous appeler pour d’autres champignons… mais pour Sylvain, il est temps de rentrer. On ne peut pas l’arrêter dit Alexandro amusé, “il est sans frein”. Retour au camion.

Nous y retrouvons le reste de l’équipe : 11h40. Hartch réapparait avec un sac de champignons, suivi de Fatma qui porte une cagette d’épis de maïs, leur cueillette d’avant. Fatma les mangera chez elle. Je me prends à songer à ces chasseurs cueilleurs du paléolithique, itinérants, opportunistes, profitant du temps qu’il fait et de ce que nous offre la saison… j’aime ces sorties où, de sites en sites, je récolte des histoires et des objets. Ils alimentent un projet qui avance de même.

 

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[ Images et textes : courtesy Gilles Bruni, « Itinérance » résidence artistique à l’Éclaircie, Cholet ]

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